Il est devenu presque impossible désormais de rencontrer un socialiste qui ne soit pratiquement convaincu que la candidature de Ségolène Royal s'imposera quoi que fassent les autres prétendants à la course présidentielle. Que ce soit pour s'en réjouir ou que ce soit pour le déplorer, les socialistes sont en effet de plus en plus nombreux à penser que le fait Royal est devenu incontournable. Le demi-retour de Lionel Jospin sur la scène politique n'a pas convaincu. Il est revenu trop tard ou trop tôt, estime Pierre Mauroy . C'est une erreur de timing. Trop tard, parce qu'il n'est plus temps d'enrayer l'irrépressible ascension de Ségolène Royal. Trop tôt, parce que le temps n'est pas encore au recours. D'ailleurs, explique l'ancien Premier ministre, pourquoi le parti socialiste aurait-il besoin d'un recours dès lors que Ségolène Royal caracole loin devant les autres candidats. Le recours ne s'imposerait que s'il y avait une compétition inextricable entre les prétendants. Ce qui n'est pas et ne sera pas le cas avec une Ségolène Royal flamboyante. Jean-Paul Huchon , pourtant étiqueté strauss-khanien convaincu et militant, n'est guère d'un avis différent. Il déplore certes que son héros qu'il juge le plus compétent, le plus intéressant et le plus sérieux ne soit pas audible. Mais il est contraint de reconnaître que plus rien ne semble devoir entraver la sublimation de Ségolène Royal. Le phénomène est tel aujourd'hui, explique-t-il non sans humour que si la présidente de la région Poitou-Charentes en venait à affirmer que les poules ont des dents, la presse célébrerait aussitôt cette déclaration d’une remarquable nouveauté ! Et de regretter que son candidat Dominique Strauss-Kahn n'ait pas pris le départ plus tôt et surtout ait donné avec Anne Sinclair une tournure trop mondaine et trop gauche bon chic bon genre à sa campagne. Le président de la région Ile de France va plus loin. Il estime que Ségolène Royal, sans doute désignée par les militants socialistes, aura dès lors de très sérieuses chances d'être élue. Il pense que les Français, plus encore qu'en 2002, sont profondément allergiques au personnel politique classique. Sauf que cette fois, au lieu de disperser leur voix sur des candidats marginaux ou anecdotiques, ils se reporteront sur Ségolène Royal, incarnation du renouveau. Une sorte de pied de nez à tous les caciques d’un univers politique jugé inefficace et mensonger quand ce n’est pas corrompu ! En fait, les autres candidats n'ont plus qu'un objectif pour pallier leur naufrage : tout faire pour que Ségolène Royal ne soit pas désignée par les adhérents socialistes dès le premier tour ce qui leur laisserait le timide espoir de se regrouper derrière l'un d'entre eux afin de la battre au second round. Mais tous les socialistes oublient peut-être un détail d’importance. Dans une campagne rien n'est jamais écrit d’avance. Et la seule chose que l'on puisse raisonnablement avancer aujourd'hui est que cette présidentielle, plus encore que les précédentes, manque pour l'heure de visibilité ! |