Benoît XVI: voyage réussi
Benoît XVI et Nicolas Sarkozy, chacun de leur point de vue respectif, peuvent s’estimer satisfaits. La visite du pape en France a été réussie.
Le président de la République a maintenu son affirmation de la « laïcité positive » sans pour autant raviver la polémique suscitée par ses discours du Latran et de Riyad. Le souverain pontife a séduit les catholiques français sans rien renoncer d’une orthodoxie catholique que d’aucuns jugent conservatrice.
Succéder en France au Jean Paul II des JMJ ( Journées mondiales de la jeunesse ) , personnage charismatique, véritable star mondiale bénéficiant d’une popularité exceptionnelle, n’était pas chose aisée. Benoît XVI, mal connu de l’opinion, arrivait à Paris avec la réputation d’un théologien austère, peu communicatif et quelque peu réactionnaire notamment en raison du motu proprio autorisant à nouveau l’usage dans l’Eglise de la liturgie ante conciliaire. La hiérarchie catholique redoutait d’ailleurs que la messe célébrée sur l’esplanade des Invalides n’attire guère de fidèles et se solde par un fiasco.
Les responsables de l’Eglise de France ont déployé de grands efforts pour mobiliser les croyants et l’assistance à l’office célébré au cours de la capitale a attiré quelques 260000 personnes ce qui est tout à fait honorable.
Et ce pape a séduit par sa gentillesse, sa modestie, sa simplicité mais aussi par sa stature intellectuelle. Il a su trouver les gestes simples qui ont conquis l’opinion. Il a aussi impressionné les esprits lors de sa conférence au collège des Bernardins par sa qualité intellectuel.
Certes, il n’y avait rien de révolutionnaire dans son exposé. Seulement avec beaucoup de clarté l’expression de la traditionnelle dialectique augustinienne : l’affirmation de la double distinction entre la cité de Dieu et la cité terrestre d’une part, entre la raison et la foi d’autre part, la seconde fondant la première, la première éclairant la seconde. Autrement dit une présentation intelligente de la tradition catholique. Une approche que ne partageront pas les non croyants mais qui ne heurte pas pour autant la raison puisqu’elle n’en conteste pas le pleine exercice.
Benoît XVI s’est montré fin politique en s’engouffrant dans la brèche ouverte par Nicolas Sarkozy avec son affirmation de la laïcité positive. Le pape a ainsi joué de cette ouverture pour appeler une nouvelle collaboration entre la communauté politique et l’Eglise et rappeler les « racines chrétiennes de la France ».
Enfin et peut-être surtout – où l’on retrouve l’intransigeance doctrinale et disciplinaire du nouveau pape, Benoît XVI, dans une adresse publique et programmée de longue aux évêques de France, leur a tracé une lettre de mission pour ne pas dire qu’il a remonté les bretelles d’un encadrement épiscopal à ses yeux trop mou et trop concilient !
Il a ainsi appelé les évêques à cesser de ratiociner sur la méthode et à se montrer plus rigoureux sur le contenu de la catéchèse.
Il les a sommé de travailler plus ardemment au recrutement de vocations sacerdotales en faisant leur bien comprendre qu’il n’était pas question de revenir sur le célibat des prêtres. Il a réaffirmé sa volonté de voir cohabiter les liturgie ante conciliaire et post conciliaire. Célébrant la famille, il répété le caractère indissoluble du mariage aux yeux de la bonne doctrine catholique ce qui condamne les divorcés à demeurer dans l’antichambre de l’Eglise.
De son point de vue, le pape a donc réussi son voyage puisqu’il a su faire passer au travers d’un sourire de velours un message de fer !
Il en va de même pour Nicolas Sarkozy qui avait souhaité qu’avant son pèlerinage à Lourdes Benoît XVI fît halte à Paris. Le chef de l’Etat est valorisé par la visite du souverain pontife. Il persiste et signe avec son affirmation de la laïcité positive qui a trouvé un répondant auprès du pape et bien entendu des évêques de France. L’objet de cette affirmation, indépendamment des convictions intimes du chef qui méritent le respect, relève bien sûr de la tactique et de la stratégie politique. Tactique : elle consiste à ramener dans le giron de la droite républicaine une fraction traditionnelle de l’électorat catholique qui a pu être tenté par le vote Front national. Stratégique : on voit poindre dans le discours de Nicolas Sarkozy une démarche concordataire : il s’agit bien d’instrumentaliser la religion au service de la paix civile et sociale.
Les socialistes, François Bayrou ont bien dénoncé cette tentation. Mais ils ne pouvaient le faire que très mollement sauf à paraître céder au moment où le pape se trouvait sur le territoire national, céder à un réflexe anti clérical.
De son point de vue, donc, Nicolas Sarkozy a tiré profit de ce voyage en enfonçant le clou de la laïcité positive ou ouverte sans pour autant être l’objet d’une offensive en règle de ses censeurs.